L'Affaire Couleurs Primaires.
Il y a 22 ans, soit le 25 septembre 1998, une polémique entourait la sortie du film Primary colors du réalisateur Mike Nichols. Elle n’était pas en lien avec les frasques de Bill Clinton qui avait inspiré cette histoire, mais tournait autour de ses doublages en français.
À la veille du début des
travaux entourant la Commission de doublage de la SODEC, l’UDA et les artisanats
du doublage soulevaient ce qui avait toutes les apparences d’une incohérence commerciale,
mais surtout d’une gifle culturelle inquiétante.
Dans le journal Le Devoir,
on titrait « L’UDA écrit au cinéaste Mike Nichols » et « Le
délicat dossier du doublage rebondit »[i]. La chroniqueuse Nathalie
Petrowski de La Presse y allait d’un « Made in France [ ...] Pourquoi Mike? »
Mais que s’est-il passé?
Retour sur l’histoire entourant
le doublage québécois de Primary Colors (Couleurs primaires) qui ne fut jamais
présenté dans les salles de cinéma du Québec.
Le film Primary Colors (Couleurs
primaires) est une comédie
satirique basée sur le livre de l'ex-journaliste de Newsweek Joe Klein qui raconte
le parcourt d'un jeune idéaliste qui se joint à la campagne présidentielle d'un
gouverneur volage d'un état du sud des États-Unis. La campagne en dents de
scie du candidat Jack Stanton ouvrira les yeux d'Henry et lui fera découvrir
les dures réalités de la vie politique aux États-Unis.
Distribué
en Amérique du Nord par les studios Universal, un doublage québécois est
commandé par le bureau torontois d’Universal Canada comme c’est le cas pour
tous films qui doivent sortir simultanément dans les salles de cinéma du Canada
et des États-Unis. La sortie nord-américaine est déjà programmée
dans les cinémas pour le 20 mars 1998.
La conjoncture favorable entourant la sortie du film coup de poing sur le climat libidineux entourant le Président Clinton est complètement manqué chez nous. Toute l’Amérique parle de ce film. Marc-André Lussier de La Presse dit même "Courrez voir ce film, Primary Colors est l'un des meilleurs drames politiques des dernières années", mais il sera pratiquement impossible de le voir au Québec en mars.
Selon l’article de Nathalie
Petrowski, la rumeur veut que Mike Nichols n’aime pas la version faite au
Québec. « Si Mike Nichols a refusé la version québécoise par principe, cela
ne signifie qu’une chose : quelqu’un quelque part lui a dit que les
doubleurs québécois parlaient mal et qu’ils faisaient un travail de cochon »[ii] Cette réaction du
réalisateur était quelque chose de nouveau et d’étonnant. Puisque jusqu’à maintenant,
le conflit entre la France et le Québec au sujet du doublage des films
américains était une histoire d’argent, de protectionnisme datant de 1947 et de
diminution de marges de profit des majors qui doivent payer pour deux doublages
alors qu’un seul pouvait être importé et ainsi pouvait amortir ses frais.
Curzi se « révolte du
fait que le film doublé au Québec en mars dernier dort sur les tablettes sans
être présenté au public. Pourquoi il avait préféré distribuer au Canada, une
version doublée en France de son film alors qu’une version de qualité réalisée
au Québec existait déjà?[iii]
Il faut savoir que l’année précédente,
l’industrie du doublage avait été secouée par la concurrence de plus en plus
féroce des studios français qui avaient accéléré le rythme de production et qui
pouvaient désormais rendre disponibles plus rapidement les films pour les
sorties de dates nord-américaines. Une baisse de 5.4% des doublages québécois
avait été observée pour les trois premiers mois de l’année 1997. L’industrie du
doublage au Québec est fragile, elle a failli disparaitre dans les années 1980,
c’est un petit marché qui n’a pas accès aux salles européennes protégés par embargo
et protectionnisme. Les Québécois se battent sur les principes économiques,
mais si la qualité d’interprétation québécoise est en mis jeu comme arme pour affaiblir
l’industrie, ça pourrait devenir encore plus grave comme situation.
Quelques jours plus tard, La Presse du 1er octobre titre « …Mike Nichols ignorait tout »
Le cinéaste américain a
répondu à la lettre que lui avait envoyée l’UdA. Nichols a
indiqué dans sa lettre qu’il ignorait à peu près tout de la situation.
« La question du
doublage est pour moi très simple, écrit Mike Nichols. Son contrat prévoit que
l’un de ses associés de longue date, travaillant à Rome, réalise les doublages en
espagnol, en français, en allemand et dans toutes les langues européennes ».[iv] Il en est ainsi depuis
des années, écrit-il, mais la compagnie Universal, que le réalisateur juge un
brin désorganisée, ignorait tout de cet accord. « En aucun temps je n’ai
jugé du travail des artistes du Québec, dont je ne doute pas de l’excellence,
explique M. Nichols. Pour moi, l’important est de travailler avec les associés
qui m’ont accompagné depuis plusieurs années, pour plusieurs films, et qui
connaissent bien mes rythmes, mes préférences et mon humeur.»
Pierre Curzi de l’UDA ainsi
que les artisans se sont dits satisfaits de ces explications et se réjouissent
du fait que la qualité du doublage québécois n’était pas en cause dans cette
affaire. Le contraire aurait eu des effets désastreux sur la réputation des
productions québécoises et aurait pu entrainer la mort de l’industrie.
Malheureusement, à ce jour, cette
version française québécoise du film Primary colors reste toujours inédite sur support vidéo, mais aurait été présentée à Super Écran. Souhaitons
qu’elle n’ait pas été détruite et que nous puissions y avoir accès un jour sur
un éventuel support.
N'hésitez pas à laisser un commentaire
DISTRIBUTION QUÉBÉCOISE
Acteurs originaux |
Acteurs-doubleurs |
Rôles |
Libby Holden |
||
Miss Walsh |
||
Henry Burton |
||
Susan Stanton |
||
Richard Jemmons |
||
Daisy |
||
Gouverneur Jack
Stanton |
Très bon article! Par contre, je suis certain que Super Écran présentait la VFQ à l'époque. J'ai toujours vu ce film avec la voix de Jean-Luc Montminy et c'était à Super Écran.
RépondreEffacerTrès heureux de savoir que la VFQ fut présentée au moins à Super Écran. Merci de ce commentaire!
Effacer