"La croix et le poignard": un film adapté d’un livre à succès
Dans cette quête pour dénicher ces vieux films oubliés et disparus qui ont été doublés au Québec, il y a cette création qui me rendait bien curieux d’en savoir un peu plus sur son origine.
Voici le résultat de cette recherche.
« … C' est l'un des films les plus
émouvants des dernières années c est un cinéma explosif qui démontre les besoins
d’une jeunesse aux prises avec la drogue, la haine raciale et la violence. Ce
film n’a jamais été plus actuel qu’aujourd’hui. » [i]
C’est ainsi qu’était présenté ce
petit film indépendant dans la publicité de tous les journaux du Québec entre
1979 et 1985. Il a littéralement fait le
tour de toutes les villes de la province, mais n’a jamais été projeté dans une salle
commerciale de cinéma. L’organisme (People Ministries) qui faisait la promotion et la distribution avait choisi de le présenter
dans les amphithéâtres d’écoles, des polyvalentes, des centres culturels et autres
salles de spectacles.
Mais quel était donc ce film
américain qui bénéficiait d’une si vaste distribution à une époque où les majors
contrôlaient les écrans? Un film indépendant qui avait, en plus, les moyens de
financer un doublage dans l’un des sept plus importants studios de
Montréal? Qui possédait des copies 16 mm et 35 mm pour la projection publique?
Quelle ne fut pas ma surprise
de constater qu’il s’agissait tout bonnement d’une production cinématographique
financée par un groupe religieux. Un film Chrétien Évangéliste qui était un outil pour évangéliser la jeunesse québécoise, reproduisant le modèle d’évangélisation des États-Unis quelques années plus tôt!
"La croix et le poignard” ne vous laisseront pas indifférent. C’est un film pour vous, du cinéma a son meilleur. – Publicité sous forme de critique cinématographique
Adapté du livre du même titre qui a été distribué (on pouvait le commander gratuitement par la poste) à 16.000.000 de copies, “La croix et le Poignard” et paru en 1968. Il raconte l’histoire et les expériences dramatiques de David Wilkerson, quittant la sécurité de son église de campagne, pour aller prêcher l’Évangile dans les coins les plus dangereux des ghettos de New York « là où, même les policiers bien armés, craignaient de se rendre », racontant sa "croisade solitaire dans sa lutte pour aider la jeunesse dans les taudis et les bas-fonds d’une ville en perdition."
La sortie du film sera même
accompagnée d’une tournée en sol québécois par nul autre que David Wilkierson pour
« apporter le même message divin qu’il a proclamé aux coins des rues de
New York et de plusieurs autres grandes villes américaines et canadiennes » - voir la publicité plus bas.
Dans le film, le rôle de David
Wilkerson est interprété par Pat Boone, un acteur et chanteur très connu dans les
années ‘60 et ‘70.
Celui du chef de gang Porto
Ricain est joué par Erik Estrada (les fans de la série Chips des années 80 se
souviendront de Frank « Ponch » Poncherello) entouré d’une ribambelle
de futures starlettes.

C’est lors de la « Semaine de films
chrétiens de Québec » tenu à l’Institut canadien de Québec sur la rue St-Stanislas que le film fut présenté pour la première fois dans sa
version française les 25 et 26 septembre 1979 à 19 h 30. [i]
Le film ou plutôt ce témoignage sur la vision apocalyptique de l’avenir nommé « La route vers Harmaguedon » est une production de 45 minutes qui a été doublée également au Québec en 1972. La narration est effectué par Vincent Davy qui avait la tonalité parfaire pour rendre le récit dramatique.
Mais, revenons au film La
croix et le poignard, présentés pour la première fois en français en
septembre 1979. Nous pouvons déterminer logiquement que le doublage a été effectué pendant le
printemps ou l’été de la même année. Le générique original anglais se trouvant sur les copies en circulation actuellement ne nous permet pas d’identifier le
studio de doublage, mais le fait que Jean Fontaine y soit le narrateur et ait un petit rôle,
celui du Sergent Delano, me laisse croire qu’il pourrait en être le directeur.
Fontaine faisait régulièrement
l’adaptation de ses projets de direction, alors il ne serait pas surprenant qu’il
ait adapté lui-même ce film. Et comme Jean Fontaine travaillait de façon
continue avec Bellevue Pathé et Sonolab, l’une de ces deux options m’apparait fort
probable. Cette partie devra être validé.
Le rôle de David Wilkerson tenu par Pat Boone est confié à Hubert Noël un acteur français qui entre 1971 et 1979 se promène entre la France, Montréal, New York et Los Angeles. Il est bien connu pour son grand talent de doubleur et son empreinte vocale qui a donné vie en français à Tony Curtis et Elvis Presley entre autres.
(Anecdote amusante, Hubert Noël avait le double de l'âge du personnage de David Wilkerson, mais possédait une voix très jeune. On pourrait faire la même observation lorsqu'il doublait James Brolin et que le jeune Pascal Rollin doublait Robert Young, âgé dans la soixantaine pour Marcus Welby MD. C'est la magie du doublage, tout n'est qu'illusion.)
Le développement rapide de l’industrie
du doublage au Québec entre 1968 et 1975 destiné aux séries et feuilletons pour
la télévision aura permis à Hubert Noël, comme quelques-uns de ses compatriotes,
de venir au Québec profiter de ce boum de productions. (Un article est en préparation
sur ce sujet)
Au fils des années, Hubert Noël
aura participé à quelques projets dans les studios québécois, ses plus
importantes étant : Docteur Marcus Welby, Cosmos 1999, Prince noir et de
nombreux rôles épisodiques, sans oublié ses nombreuses participations au théâtre du Rideau Vert et les télé-théâtres de Radio-Canada.
À cette distribution s’ajoutent
quelques jeunes comédiens qui ont déjà beaucoup d’expérience en doublage : Marc
Bellier sera la voix d’Erik Estrada, Mario Desmarais à celle de Dino DeFilippi,
Claudine Chatel pour la voix de Jacqueline Giroux et Élisabeth Chouvalidzé
pour Jo-Ann Robinson.
Distribution:
Pat Boone (David Wilkerson) Hubert Noël
Don Blakely (Abdullah) Guy Nadon
Sam Capuano (Hector Gomez) Yves Massicotte
Alex Colon (Mingo) ?
Dino DeFilippi (Israel) Mario Desmarais
Erik Estrada (Nicky Cruz) Marc Bellier
Gil Frazier (Big Cat) ?
Jacqueline Giroux (Rosa) Claudine Chatel
Don Lamond (Sergent Delano) Jean Fontaine
Jo-Ann Robinson (Little Bo) Élisabeth Chouvalidzé
Vince O’Brien (Juge) Robert Rivard
Steven Blackwell (Belle gueule) Patrick Peuvion
(Boule de gomme) Daniel Lesourd
David Connell (Jeffrey, pusher) Daniel Roussel
Jay Devlin (District Attorney) Luc Durand
N’étant pas un critique de film, il me serait difficile de débattre de sa valeur artistique. Doit-on le classer dans les biopics ou comme film corporatif ? Je ne juge pas l’œuvre! Ni le message véhiculé. Ce qui m'intéresse, c'est le travail de doublage effectué sur ce film et le contexte lors de sa sortie au Québec.
Au final, ce film aura le mérite d’avoir été présenté sur tout le territoire québécois à l’époque où les versions françaises québécoises étaient rares dans nos salles. Il a également le mérite d’être la seule version disponible sur internet et sur DVD dans toute la francophonie après plus de 40 ans. C'est sans doute que le travail avait été bien fait!
David Wilkerson - En Route vers Harmagedon - VFQ (45 min)
(Attention : Cette video contient un message à caractère religieux que certain pourrait trouver moralisateur)
[i] Le
Courrier De Saint-Hyacinthe. Mercredi 4 Octobre 1978 /C 3
[ii] https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Croix_et_le_Poignard_(film)
[iii] Le soleil, 19 septembre 1979, Cahier
F
Le Courrier de St-Hyacinthe, 24
octobre 1979, F. Au fil des jours p.5
L'écho de Frontenac, 27 juin 1978,
mardi 27 juin 1978 p.9
Le nouveau clairon, 6 novembre 1985,
mercredi 6 novembre 1985 p.6
Le soleil, 19 septembre 1979, Cahier
F p.4
Le Courrier de St-Hyacinthe, 4
octobre 1978, C. La pensée de Bagot p.3
Le soleil, 23 septembre 1978, Cahier
D p.12
Le nouvelliste, 15 mai 1975 p.42
Le soleil, 30 octobre 1974, Cahier F
p.5
La tribune, 8 juin 1979 p.14
La presse, 31 janvier 1970, p.37
The Sherbrooke record, 21 janvier
1970 p.2
The Sherbrooke record, 8 septembre
1970 p.6
The record, 19 mars 1985 p.9
https:// ca.notrecinema.com/communaute/critique/_35692.html
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